Le Premier ministre Jean-Marc Ayrault le 28 janvier

Le Premier ministre Jean-Marc Ayrault le 28 janvier Photo : afp

 

Droit de vote des étrangers, le retour

On croyait la réforme enterrée. Matignon a annoncé mardi matin une initiative imminente concernant le droit de vote des étrangers. Un projet qui se heurte depuis des mois à la difficulté de rassembler les parlementaires socialistes.

Non, le droit de vote des étrangers n'est pas enterré. Promesse emblématique de François Hollande, la mesure semblait oubliée. Mais mardi matin, ménageant le suspense, Matignon a assuré qu'il n'en était rien : "vous en saurez un peu plus aujourd'hui ou demain", ont ainsi affirmé les services du Premier ministre devant les journalistes, sans plus de précision. Après les accusations de "reculades" sur la taxe des plus hauts revenus à 75%, une autre réforme emblématique de la campagne du président, il n'était pas question pour Matignon d'accuser un deuxième échec. La tâche n'est pourtant pas aisée. Toutes les majorités de gauche depuis plus de trois décennies ont assuré qu'elles donneraient le droit de vote aux étrangers aux élections locales... sans jamais s'exécuter.

Cette fois encore, la proposition fait débat et se heurte à un problème majeur : elle n'aurait pas l'appui des 3/5e du parlement, nécessaire à son adoption. La réforme du droit de vote des étrangers implique en effet une modification de la Constitution, possible uniquement selon deux modes opératoires : l'organisation d'un référendum – une voie exclue par François Hollande - ou l'obtention d'une majorité des trois cinquièmes des élus (députés et sénateurs) réunis en Congrès.

Glissé dans un "paquet" de réformes ?

Une partie "perdue d'avance", aurait confié le maire de Lyon, Gérard Collomb, au point qu'en octobre dernier, la porte-parole du gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem, avait concédé que ce projet de loi pourrait être reporté après les municipales de 2014. Depuis, les mises en garde se multiplient au PS : 75 députés de la majorité ont même signé une lettre exhortant les têtes de l'exécutif à respecter leur engagement. Dès lors, les parlementaires avaient une mission : trouver des "alliés" au centre et à droite pour faire adopter le texte.

Trois mois plus tard, Matignon avoue "chercher encore". Interrogé mardi dans les couloirs de l'Assemblée nationale sur cette initiative, le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, s'est contenté de répondre qu'il allait "consulter chaque groupe de la majorité et de l'opposition" pour vérifier "s'il y a la possibilité d'une majorité des 3/5e au Parlement" sur cette réforme constitutionnelle comme sur d'autres.

"Je vais entamer des rencontres avec les groupes parlementaires de la majorité et de l'opposition sur tous les sujets constitutionnels qui peuvent faire l'objet d'une réforme constitutionnelle et je vais vérifier sur ce point comme sur d'autres s'il y a la possibilité d'une majorité des 3/5e au Parlement", a-t-il déclaré, citant également la charte des langues régionales, la réforme du Conseil supérieur de la magistrature et le statut du chef de l'Etat. En d'autres termes, au pied du mur, le gouvernement serait tenté de faire passer la délicate question du droit de vote des étrangers dans un "paquet" de réformes constitutionnelles. Une hypothèse aussitôt dénoncée par le chef des députés UMP, Christian Jacob, critiquant "une mesure de diversion" de la majorité et une "tactique consistant à systématiquement détourner les débats".