Joué-lès-Tours, Dijon, Nantes, trois faits divers dramatiques en quarante-huit heures, trois agressions spectaculaires, dont les deux premières ont été perpétrées au nom d’Allah, et dont les deux dernières sont caractérisées par un modus operandi similaire.
Par Dominique Jamet
Deux thèses opposées ont été aussitôt avancées, et jusqu’au sein du gouvernement. Celle du ministre de l’Intérieur, rassurante, et l’on comprend que M. Cazeneuve considère qu’il est de son rôle et de ses responsabilités d’enrayer la tentation de la psychose et le risque de la panique. Il s’agirait, selon le ministre auquel les procureurs de la République de Dijon et de Nantes se sont hâtés d’emboîter le pas, de trois actes isolés, sans rapport et donc sans signification. A l’inverse, le Premier ministre, maxillaires serrés et sourcils froncés, n’a pas hésité à déclarer que le danger terroriste n’avait jamais été plus grand. M. Manuel Valls ne veut pas que l’on puisse dire qu’il n’a pas vu venir le péril et qu’il n’a pas pris les mesures adéquates pour y faire face.
Quoi qu’il en soit, la concomitance temporelle de ces trois actions criminelles et l’invocation religieuse sous laquelle deux de leurs auteurs les ont placées ne laissent pas d’être troublantes. Aussi bien le fait qu’elles aient donné lieu, dès hier, à une réunion interministérielle incite à penser que les plus hauts responsables de l’ordre public sont enclins, quoi qu’ils en disent, à y voir plus qu’une coïncidence. Or, dès l’instant que l’on semble établir un lien entre les actes isolés de trois « déséquilibrés », ces actes cessent d’être isolés et l’on est tenté de voir dans le choix de l’épithète retenue pour les qualifier un commode déni de réalité.
Faut-il donc voir dans ce qui vient de se passer les premières manifestations de l’offensive générale annoncée par les différentes organisations djihadistes contre la France ? J’écrivais, ici même il y a quelques jours, qu’il fallait bien s’attendre à ce que le terrorisme passe un jour ou l’autre des intentions aux actes et que nous sommes assez démunis devant une menace insaisissable qui peut se concrétiser à tout moment et n’importe où. Que l’initiative soit individuelle ou non, elle répond à une consigne générale, et ce qui s’est passé à Sydney la semaine dernière ou en Touraine, il y a trois jours, se rattache évidemment à la guerre qu’a déclarée à notre civilisation le fondamentalisme islamique.
La décision de commettre pendant la période des fêtes trois cents militaires de plus à la protection des grands magasins et des marchés de Noël est plutôt de nature à fournir des cibles aisément identifiables à d’éventuels « déséquilibrés » qu’à garantir le public contre de nouveaux attentats.
Quant à l’explication avancée par certains savants psychosociologues, suivant laquelle nous aurions affaire, en tout cas à Nantes, à un phénomène de« mimétisme », et donc à des coupables qui ne seraient pas responsables, elle a l’intérêt de fournir un argument que ne manqueront pas d’utiliser leurs défenseurs et qui permettrait d’orienter les criminels vers les asiles psychiatriques plutôt que vers les maisons centrales. Elle ne correspond pas au sentiment général du bon sens populaire. Le mimétisme a bon dos. Dès l’instant que les crimes s’accomplissent au cri de « Allah Akbar » et à l’ombre du drapeau noir de Daech, ils relèvent de la vaste entreprise de destruction que mènent fondamentalisme, salafisme et djihadisme. Les « fous de Dieu » sont des aliénés, mais ce sont des aliénés conscients.